L’évolution du marché des prêts structurés en Europe marque un tournant significatif dans le paysage financier continental. L’émergence des prêts structurés, que tu retrouves sous différents noms selon les plateformes de crowdlending, suscite un vif intérêt parmi les investisseurs et les gestionnaires d’actifs. Cette innovation financière, longtemps attendue, promet de redéfinir les stratégies d’investissement et de gestion des risques dans la région.
Voilà encore une preuve de la transformation continue du marché du crowdlending européen.
Pour faciliter la lecture, je les appellerai « prêts structurés » pour en englober tous les types.
Les prets structurés, qu’est-ce que c’est?
Prêts structurés – Definition en crowdlending
Les prêts structurés désignent, dans le cadre du crowdlending, des produits financiers constitués d’un ensemble de prêts regroupés, titrisés et émis sous forme d’instruments négociables, comme les ABS (Asset Backed Securities). Contrairement à un prêt P2P classique, où l’investisseur finance directement un emprunteur unique, les prêts structurés permettent d’investir dans un pool de créances, ce qui réduit le risque idiosyncratique.
Ils sont émis par des « véhicules à usage spécial » (SPV) créés par les plateformes, qui regroupent les prêts, en assurent la conformité réglementaire, puis émettent un produit structuré à destination des investisseurs. Le fonctionnement repose sur des tranches, une documentation légale précise, et souvent des mécanismes de sécurité comme le surcollatéral ou des tests de couverture d’intérêts.
Fonctionnement
Le processus comprend trois phases principales :
- La phase de crédit : les originators (sociétés de prêt partenaires) accordent des prêts à des emprunteurs sur la base de leurs propres procédures de scoring.
- La titrisation : les droits sur ces prêts sont transférés à un SPV qui les regroupe en un produit structuré (ABS). La plateforme en vérifie ensuite la conformité.
- L’investissement : les investisseurs peuvent souscrire à ces ABS via la plateforme après avoir accepté la documentation. L’investissement devient actif à une heure précise (souvent minuit).
Ces prêts peuvent être garantis par une variété d’actifs (immobiliers, titres, biens de valeur) selon les compétences de la plateforme à évaluer leur valeur. La réglementation, comme celle imposée par la FCMC en Lettonie, renforce la transparence mais se concentre sur la forme plus que sur le fond économique.
Exemple de Mintos
Mintos propose des Notes, qui regroupent également plusieurs créances sous une même structure réglementée. Bien que la terminologie diffère, la logique sous-jacente est similaire : un instrument titrisé indexé sur un ensemble de prêts, avec une documentation standardisée et des critères d’allocation.
Exemple de Debitum
Debitum propose des ABS conformes aux régulations européennes. Chaque ABS contient un minimum de cinq prêts, souvent bien plus, et impose une participation du prêteur (« skin in the game ») d’au moins 10 %. Les investisseurs peuvent filtrer les offres selon le score de crédit, le taux d’intérêt, la durée ou le prêteur. L’investissement est activé en une seule fois chaque jour, à minuit.
Exemple de Twino
Twino utilise également des instruments structurés équivalents à des ABS dans leur fonctionnement, bien que sous une terminologie différente (« Securities »). La plateforme titrise les prêts en interne, les structure en produits proposés aux investisseurs et assure une certaine standardisation documentaire.
L’avènement des prêts structurés en crowdlending en Europe
Les premiers prêts structurés ont vu le jour ces dernières années, ouvrant la voie à une nouvelle ère dans le financement structuré en Europe, et suscitant un engouement considérable.
Plusieurs plateformes de prêt participatif comme Debitum ont introduit des prêts structurés réglementés, vérifiés par des autorités comme la FCMC en Lettonie. Ces instruments financiers sont adossés à des pools de prêts (parfois plus de 100) regroupés dans des « véhicules à usage spécial », offrant ainsi une forme de diversification et une certaine standardisation. Le processus passe par trois phases : octroi des prêts par une société qui en est émettrice, titrisation via une entité dédiée (en l’occurrence, la plateforme), puis ouverture à l’investissement. Chaque prêt structuré inclut des documents réglementaires détaillés et fait l’objet d’un filtrage par taux, durée, score de risque, etc.
Les prêts structurés introduits sur Debitum par exemple, nécessitent que les prêteurs conservent une part de risque (au moins 10 % de « skin in the game ») et respectent un seuil minimal de cinq prêts par titre. La régulation impose une transparence accrue, bien que le superviseur n’évalue pas le contenu économique des crédits, seulement la forme juridique. Les investisseurs peuvent consulter tous les documents avant souscription, avec une activation des placements chaque jour à minuit.
La complexité inhérente à la création de portefeuilles diversifiés pour les prêts structurés en crowdlending avait jusqu’alors freiné leur essor en Europe. Mais l’exemple opérationnel de plateformes comme Debitum ou Twino montrent que ces obstacles peuvent être surmontés. On ne s’étonnera pas de voir de nombreuses plateformes leur emboiter le pas. Comme on l’a vu récemment avec Indemo (bien que le modele d’affaire ici soit un poil différent, j’en parle dans cet article).
Cette évolution s’inscrit dans un contexte plus large de transformation du paysage financier européen, où les investisseurs recherchent de nouvelles opportunités de diversification et de rendement. L’introduction de garanties variées – y compris immobilières, titres financiers ou objets de valeur – comme collatéraux pour sécuriser les prêts renforce également la confiance des investisseurs, à condition que les plateformes possèdent l’expertise nécessaire pour évaluer correctement ces actifs.
Particularités et avantages des prêts structurés européens
Les prêts structurés en crowdlending européens se distinguent par plusieurs caractéristiques uniques qui les rendent attractifs pour les investisseurs :
- Diversification accrue du portefeuille : Contrairement aux prêts classiques, les prêts structurés comme ceux proposés par Debitum permettent d’investir dans un pool de plusieurs prêts (au minimum 5, parfois plus de 100), ce qui réduit le risque lié à la défaillance d’un emprunteur individuel.
- Rendements potentiellement plus élevés : Les plateformes proposent différents niveaux de risque et de rendement selon la qualité des actifs sous-jacents et leur notation. Par exemple, les prêts garantis par des actifs de type immobilier ou par des titres financiers offrent des profils de rendement différenciés. Les prêts de second rang, plus risqués, peuvent proposer des taux d’intérêt plus attractifs.
- Exposition au marché du crowdlending européen : Ces produits permettent d’accéder à une classe d’actifs encore relativement peu représentée dans les portefeuilles classiques, notamment des prêts non cotés octroyés à des PME locales ou des structures de financement spécialisées.
- Structures adaptées aux réglementations locales : L’encadrement par des autorités comme la FCMC en Lettonie impose une documentation réglementaire complète, un processus de vérification préalable (due diligence) et un filtrage systématique des titres selon divers critères (taux, durée, score de risque). Cela renforce la transparence et la conformité réglementaire.
- Mécanismes de protection renforcés : Certains prêts structurés incluent des mécanismes comme le « skin in the game » (au moins 10 % du montant conservé par l’émetteur), des tests de surcollatéralisation ou de couverture des intérêts, ainsi que des plafonds de concentration par secteur ou emprunteur.
- Accessibilité et flexibilité : À travers certaines plateformes, les investisseurs particuliers peuvent participer à ces véhicules dès 50 €, avec une exécution quotidienne des investissements (par exemple chaque nuit à minuit), ce qui offre une certaine souplesse.
- Utilisation de garanties variées : Les plateformes peuvent sécuriser les prêts par des garanties immobilières, financières (titres), ou encore des biens de luxe (voitures, montres, œuvres d’art), à condition qu’elles disposent de l’expertise nécessaire pour les évaluer précisément.
Ces caractéristiques font des prêts structurés un outil d’allocation intéressant pour les investisseurs souhaitant diversifier leur exposition au crowdlending, tout en bénéficiant d’un cadre plus structuré et sécurisé que le prêt P2P tel qu’on l’a connu il y a encore quelques années.
Défis et opportunités du marché européen des prêts structurés
Le développement des prêts structurés en crowdlending en Europe fait face à des défis uniques. La diversité des cadres réglementaires et la multiplicité des devises compliquent la structuration et la tarification des portefeuilles. Néanmoins, ces obstacles créent également des opportunités pour les gestionnaires innovants capables de naviguer dans cet environnement complexe.
Parmi les principaux défis identifiés :
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La complexité opérationnelle : Intégrer des mécanismes de titrisation sur les plateformes de P2P demande une infrastructure robuste et une gestion rigoureuse du risque. La valorisation précise des actifs sous-jacents, surtout lorsqu’il s’agit de titres financiers ou de biens atypiques (comme les montres de luxe ou les œuvres d’art), suppose des compétences spécialisées souvent absentes des plateformes traditionnelles.
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L’incertitude réglementaire : L’introduction de prêts garantis par des titres (Securities Backed Lending) ou d’ABS impose aux plateformes de jongler avec des exigences évolutives. Les cadres comme celui de la FCMC en Lettonie commencent à poser des bases plus solides, mais beaucoup d’aspects – notamment sur la valorisation, les obligations de transparence ou les tests de solidité – restent à clarifier dans d’autres juridictions.
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La liquidité limitée : Bien que certains ABS puissent bénéficier d’une certaine liquidité via le marché secondaire, la plupart des plateformes fonctionnent encore sur un modèle « buy and hold » qui peut poser problème si l’investisseur veut récupérer rapidement ses fonds. À moins d’avoir accès à un marché secondaire pour revendre ses prêts à d’autres investisseurs, mais encore faut-il trouver preneur.
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Le manque de diversification à l’échelle de la plateforme : Si chaque ABS contient plusieurs prêts, le nombre total d’ABS disponibles par originator reste souvent limité (par exemple, jusqu’à six sur Debitum), ce qui restreint la diversification globale possible sur la plateforme si le nombre d’originators est faible.
Cela dit, ces difficultés s’accompagnent d’opportunités importantes :
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Un renforcement de la transparence et de la conformité : L’obligation de publier une documentation réglementaire complète (conditions finales, descriptif détaillé des actifs, structure de remboursement, etc.) améliore considérablement la lisibilité des risques pour les investisseurs.
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Une meilleure résistance au risque de défaut : L’introduction de seuils de surcollatéralisation, d’une exigence de « skin in the game », de limites d’exposition à certains secteurs ou notes de crédit permet de mieux encadrer les pertes potentielles. Par ailleurs. l’intégration des nouvelles technologies financières pourrait aussi jouer un rôle crucial dans le développement des prêts structurés européens, en facilitant la gestion des risques et l’analyse des portefeuilles. D’ailleurs, j’avais fait un article en creusant un peu ce sujet, tu peux le consulter ici.
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Une capacité à attirer de nouveaux profils d’investisseurs : Les prêts garantis par titres ou par des biens tangibles séduisent les investisseurs institutionnels, notamment ceux à la recherche de rendement dans un contexte de taux d’intérêt fluctuants.
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L’extension des volumes de prêts : Grâce à l’intégration du SBL (Securities Backed Lending), certaines plateformes pourraient offrir des prêts plus importants, tout en réduisant leur exposition au risque grâce aux collatéraux.
Perspectives d’avenir pour les prêts structurés européens
L’avenir des prêts structurés en crowdlending européen s’annonce prometteur, malgré les défis initiaux. Les analystes prévoient une croissance soutenue du marché, stimulée par plusieurs facteurs, tels que l’augmentation de la demande d’investisseurs pour des produits structurés européens et l’expansion du marché du crowdlending en Europe.
Cette dynamique est portée par une évolution technologique rapide, notamment l’intégration croissante de la blockchain et de l’intelligence artificielle dans les plateformes P2P. L’intelligence artificielle améliore les processus de scoring de crédit en intégrant des données alternatives comme le comportement numérique ou l’historique transactionnel. Ces innovations renforcent la confiance des investisseurs et permettent à un plus large éventail d’emprunteurs d’accéder au crédit.
À côté des investisseurs privés, les investisseurs institutionnels sont aussi un moteur de la croissance du marché des prêts structurés européens. Leur intérêt pour ces produits pourrait encourager l’innovation et l’adaptation des structures existantes aux spécificités du marché continental. Par ailleurs, les régulations renforcées adoptées dans de nombreux pays européens, inspirées des standards internationaux, contribuent à crédibiliser ces instruments, attirant de nouveaux flux de capitaux vers ce segment en forte expansion.
Le mot de la fin
Les prêts structurés s’imposent désormais comme une évolution majeure du crowdlending en Europe, à la croisée de la finance participative, de la technologie et de la régulation. Grâce à leur capacité à regrouper plusieurs prêts dans une structure réglementée et à offrir une documentation transparente, ils répondent aux attentes croissantes des investisseurs en matière de diversification, de sécurité et de rendement.
Si des défis subsistent – en matière de liquidité, de complexité ou de standardisation entre plateformes – les progrès techniques, notamment avec l’intelligence artificielle, l’évolution du cadre réglementaire et l’intérêt croissant des institutionnels ouvrent de nouvelles perspectives. Dans ce contexte, les prêts structurés pourraient devenir un pilier incontournable de l’investissement alternatif européen dans les années à venir.
Pour autant de notre côté, investisseurs, ce n’est pas forcément signe d’une sécurité absolue. Le risque inhérent au crowdlending existe toujours demeure, et il reste, pour l’essentiel, du coté de l’initiateur de prêt. De ce point de vue, il n’y a pas de grand changement. En revanche, comme je l’evoquais plus haut, les exigences réglementaires en matière de transparence et de conformité constituent un obstacle plus important pour les plateformes de moindre qualité. Ce qui ne sera pas pour nous déplaire.